samedi 6 décembre 2008

La crise s'invite aux négociations sur le climat


LE MONDE 02.12.08

Une bonne nouvelle, et une mauvaise.
La bonne ? Barack Obama a été élu président des Etats-Unis, et il va engager son pays dans la lutte contre le changement climatique. La mauvaise ? La crise économique prend une ampleur telle que l'intérêt des décideurs pour les questions environnementales s'amoindrit fortement. Ainsi peut être résumé l'état d'esprit qui règne à Poznan, ville de l'ouest de la Pologne où se tient, jusqu'au 12 décembre, la 14e conférence de la Convention des Nations unies sur le changement climatique.

Ces données contrastées devraient peser sur un rendez-vous qui présente deux particularités : on n'en attend pas grand-chose, au sens où il est clairement posé que Poznan n'est qu'une étape avant la conférence de Copenhague, fin 2009, qui devra décider du contenu de l'accord qui prendra la suite du protocole de Kyoto; mais un drame pourrait se nouer, si l'Union européenne ne parvenait pas à se mettre d'accord sur le "Paquet énergie-climat" négocié en son sein. Le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement se réunit les 11 et 12 décembre, et doit boucler ce dossier. S'il n'y parvenait pas, le signal négatif envoyé au reste du monde compromettrait sans doute l'issue de la négociation globale.

Si, officiellement, aucun gouvernement n'a invoqué la crise économique pour demander qu'on repousse à plus tard les réponses à apporter aux préoccupations environnementales, la récession mondiale pèse clairement sur le débat. Et les difficultés rencontrées par le "Paquet énergie-climat" tiennent notamment à ce que l'Allemagne, traditionnel champion autoproclamé de l'écologie, veut limiter ses ambitions, de crainte que le dispositif ne pénalise sa puissante industrie à un moment où la crainte du chômage et de la perte de compétitivité redevient très vive.

Ce qui se joue en Europe est une illustration de l'obstacle que doit surmonter la négociation planétaire : comment définir des règles communes pour des économies aux profils extrêmement différents ? Si les 27 États européens y parviennent, ils définiront un modèle pour les 192 nations engagées dans la Convention sur le climat. Et répondront à la question du jour : les difficultés du court terme doivent-ils obérer l'intérêt supérieur du long terme, qui est d'enrayer la crise écologique ?

DONNANT-DONNANT AVEC LA CHINE

D'un autre côté, la confirmation par Barack Obama, le 18 novembre, de ses engagements de campagne change le contexte de la discussion : les Etats-Unis sont clairement entrés dans le jeu. Et leur président élu affiche ses intentions : une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 % en l'an 2050, et le retour en 2020 au niveau de 1990. Bémol : M. Obama ne prendra ses fonctions qu'en janvier 2009. Et même si deux anciens candidats démocrates à la Maison Blanche, John Kerry et Al Gore, sont annoncés à Poznan, la plus grande puissance du monde y sera représentée par une administration Bush qui ne cherchera pas vraiment à faire progresser les débats.

Mais alors que la conférence de Bali avait buté, fin 2007, sur la mention d'objectifs chiffrés de réduction des émissions, la position de M. Obama déblaie le terrain sur ce point : à Copenhague, il s'agira bien de se mettre d'accord sur des objectifs chiffrés autrement plus ambitieux que ceux du protocole de Kyoto. Celui-ci engageait les pays du Nord, qui ne parviennent d'ailleurs pas à respecter cet objectif, à réduire de 5 % leurs émissions sur la période 2008-2012 par rapport à 1990.

Cependant, il serait prématuré de penser que l'administration de M. Obama ira au-delà de la formulation avancée par un représentant de George W. Bush, Daniel Price, en février : "Les Etats-Unis sont prêts à des obligations internationales contraignantes de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d'un accord global par lequel toutes les grandes économies prendraient des engagements similaires." Ce sera donc un "donnant-donnant", notamment avec la Chine. Dans cet échange, les Etats-Unis seraient prêts à donner plus que ce n'était le cas sous M. Bush... mais sous réserve de contrepartie.

Pékin sera d'autant plus poussé à bouger qu'une autre évolution, moins perceptible, s'est précisée durant l'année 2008 : celle de la disjonction entre pays du Sud. Ceux-ci ne forment plus un bloc aussi cohérent qu'il a longtemps paru, et la situation des grands pays émergents – Chine, Inde, Brésil, pour citer les plus importants – se distingue de plus en plus nettement de celle des plus pauvres. Les intérêts de ces deux groupes ne sont pas identiques, les règles qu'ils auront à suivre ne pourront donc pas être les mêmes. Le symbole de cette évolution ? La Chine a vraisemblablement dépassé les Etats-Unis, en 2008, en tant que premier émetteur mondial de gaz à effet de serre.


Hervé Kempf

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