samedi 3 juillet 2010

Les restaurateurs dispensés de régime minceur




Edito du Monde

LE MONDE

l y a un an tout juste, les restaurateurs français savouraient leur victoire. Après dix ans de plaidoyers pro domo - les charges écrasantes qui tuent l'emploi, la concurrence de la restauration rapide déjà bénéficiaire de cet avantage fiscal -, ils venaient d'obtenir la baisse de 19,6 % à 5,5 % de la TVA à laquelle ils sont assujettis. Jacques Chirac le leur avait promis en 2002, avant que l'Europe ne dise "nein !". Nicolas Sarkozy le leur avait re-promis en 2007 et avait obtenu gain de cause à Bruxelles.


A l'époque, bon nombre d'analystes, y compris dans la majorité, s'étaient inquiétés de ce coûteux marché de dupes. En échange d'un cadeau qui représente un manque à gagner pour l'Etat de 2,5 à 3 milliards d'euros en année pleine, les restaurateurs avaient pris quelques engagements, auxquels le gouvernement avait feint de croire : ils baisseraient leurs prix de 3 %, embaucheraient 40 000 salariés en deux ans, amélioreraient les salaires de la profession et moderniseraient leurs établissements.Un an plus tard, on est loin du compte. Selon les chiffres de l'Insee, la baisse des prix n'a été que de 1,3 % et la moitié seulement des restaurateurs ont effectivement réduit leurs tarifs. Quelque 21 000 emplois ont bien été créés, mais le rythme antérieur de créations d'emplois dans le secteur était déjà de l'ordre de 15 000 par an. Et, si un coup de pouce salarial a été accordé, l'effort de modernisation est en deçà des prévisions des pouvoirs publics.
Bref, le bilan est des plus mitigés. En décembre 2009, déjà, la commission des finances du Sénat avait piqué un coup de sang devant le manque de bonne volonté des restaurateurs et proposé de rétablir la TVA à 19,6 %. Cet avertissement sénatorial avait été sèchement balayé par le président de la République : "Jamais je ne reviendrai sur la baisse de la TVA dans la restauration", avait alors tranché Nicolas Sarkozy.
Six mois plus tard, la question se repose de façon d'autant plus insistante que la crise des finances publiques contraint le gouvernement à une rigoureuse politique d'économies. Mais la réponse sera la même : pas touche aux restaurateurs ! Chargé de passer un sérieux "coup de rabot" sur l'ensemble des niches fiscales, le ministre du budget, François Baroin, l'a compris un peu tard. Le 27 juin, il qualifiait encore la TVA réduite dans la restauration de "très, très grosse niche fiscale". Rappelé à l'ordre par sa ministre de tutelle, Christine Lagarde, il vient de renvoyer le débat à la présidentielle de 2012.
Tant pis si la contradiction est évidente. Tant pis si les chiffres sont cruels : la suppression annoncée de 100 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2013 fera économiser 3 milliards d'euros à l'Etat, soit le coût annuel du cadeau fait aux restaurateurs ! Tant pis, enfin, si cette politique gouvernementale apparaît totalement clientéliste. A deux ans de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy préfère essuyer ces critiques plutôt que d'être accusé de se renier et risquer de voir les restaurateurs gonfler l'électorat du Front national. C'est un choix politique. A courte vue.

Article paru dans l'édition du 01.07.10

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