mardi 16 novembre 2010

NKM, une écolo à la tête d'un "ministère fantoche"

A partir de dimanche prochain, retrouvez, sur ce blog, une nouvelle enquête du commissaire Cimares : "Rififi à Hévin-Balmont". On s'inquiète, en haut lieu, de savoir pourquoi on en est arrivé là et le commissaire a été chargé de remonter aux sources...




Les écologistes s'inquiètent de "la marge de manœuvre dont disposera NathalieKosciusko-Morizet" au ministère de l'écologie.

LEMONDE.FR | 15.11.10 | 19h14

  • Les é
C'est son grand retour. Presque deux ans après avoir été secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, 37 ans, revient au ministère, cette fois en première ligne, pour y remplacer Jean-Louis Borloo, son ancien ministre de tutelle. Elle prend ses fonctions, lundi 15 novembre, forte de son expertise dans le domaine et de son crédit auprès des associations, mais affaiblie par un ministère au périmètre fortement restreint.
Pendant ses dix-huit mois à l'hôtel de Roquelaure, de juin 2007 à janvier 2009, la maire de Longjumeau (Essonne) a su imposer sa marque et se faire respecter. "C'est quelqu'un de légitime car elle maîtrise les dossiers écologiques et c'est une bosseuse", assure Bruno Genty, président de France nature environnement (FNE), qui regroupe 3 000 associations.
EXPERTISE ÉCOLOGIQUE
Cette compétence, elle la tient de sa formation en biologie à l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, qu'elle a intégrée une fois diplômée de Polytechnique, puis de ses débuts, en 2002, comme conseillère technique pour l'écologie et le développement durable de Jean-Pierre Raffarin, avant de devenir rapporteuse de la charte de l'environnement et de la mission d'information sur l'effet de serre à l'Assemblée nationale.
En 2007, les associations saluent le dialogue qu'elle instaure lors du lancement du Grenelle de l'environnement et ses prises de position engagées, qui détonnent dans un gouvernement frileux sur le sujet. C'est ce "courage d'assumer ses convictions" que lui reconnaissent les ONG qui lui vaut d'être mise au ban. En avril 2008, accusée par une partie des parlementaires UMP d'avoir fait voter un amendement défavorable aux cultures OGM contre l'avis de la majorité, elle dénonce un "concours de lâcheté" entre Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé, président du groupe UMP. Recadrée par François Fillon, elle quitte le ministère de l'écologie au remaniement suivant pour rejoindre le secrétariat à l'économie numérique.
DES COMPÉTENCES ROGNÉES
Aujourd'hui, si les acteurs associatifs se félicitent de son retour sur le devant de la scène écologique, ils déplorent néanmoins un champ de compétences significativement rogné. "On gagne en qualité ce qu'on perd en quantité", résume Stéphen Kerckhove, délégué général de l'association Agir pour l'environnement. Contrairement à Jean-Louis Borloo, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, n'est en effet pas ministre d'Etat. Dans l'ordre protocolaire, elle devient numéro 4 du gouvernement, alors que son prédécesseur était en deuxième position, et se voit entourée de deux secrétaires d'Etat, au lieu de quatre dans l'ancien "superministère". Surtout, "NKM" perd le portefeuille-clé de l'énergie, qui revient à Bercy, ainsi que ceux de l'aménagement du territoire et de la mer.
"C'est la preuve que l'environnement n'est plus au cœur des politiques publiques. Il risque de redevenir une vitrine, une variable d'ajustement", estime Bruno Genty. Pour le député européen Europe-Ecologie-Les Verts Yannick Jadot, Nicolas Sarkozy ne fait que mettre en œuvre ses récentes prises de position, comme lorsqu'il affirmait en mars lors du Salon de l'agriculture : "L'environnement, ça commence à bien faire." "On a aujourd'hui un ministère de l'écologie fantoche. La France ne souhaite clairement plus apparaître comme un pays luttant contre le réchauffement climatique. A un mois du sommet de Cancún [qui se déroule sur le réchauffement climatique], c'est inquiétant", déplore le député.
Un recul de l'écologie qui doit s'analyser comme un signal à l'approche de l'élection présidentielle, estime Daniel Boy, spécialiste de l'écologie au Centre de recherches politiques de Sciences Po : "A deux ans du scrutin, Nicolas Sarkozy veut se rapprocher de son électorat de base. Or, les agriculteurs ou les professions indépendantes désapprouvent les mesures environnementales, qui pèsent sur leur croissance."
"OPÉRATION DE CHARME"
"Le pari du président est de vider de son contenu le ministère et de mettre à sa tête une écologiste afin de mener une opération de charme auprès des associations, ajoute Yannick Jadot. Elle va utiliser son talent de communication pour faire croire qu'elle reste dans l'élan du Grenelle, mais plus personne n'est dupe."
Les associations sont en effet très sceptiques quant à la marge de manœuvre dont disposera Nathalie Kosciusko-Morizet et se disent "inquiètes" du tournant que prendra la politique environnementale en France. "Elle devra prouver que le Grenelle, symbolique, n'est pas en panne. Mais sa relance sera très difficile car elle ne dispose pas de latitude pour le faire : elle sera opposée à François Fillon, connu pour être défavorable à l'environnement, au ministère de l'agriculture et à celui de l'économie, qui fera barrage sur des sujets cruciaux comme les énergies fossiles, l'éolien ou le solaire. Face à Bercy, l'écologie n'a jamais pesé très lourd", analyse Daniel Boy.
"VAINCRE LES FORCES HOSTILES"
Nathalie Kosciusko-Morizet devra donc prouver qu'elle peut influencer, ne serait-ce que modérément, la politique gouvernementale. "On attend qu'elle poursuive le dialogue environnemental et surtout une application stricte des engagements du Grenelle et notamment la promulgation des deux cents décrets d'application prévus par la loi", annonce Bruno Genty.
Parmi les doléances concrètes des associations, déçues par l'échec du Grenelle, figurent "une remise en cause du schéma national d'infrastructures de transports, qui prévoit vingt-neuf nouveaux projets d'autoroute, la hausse du crédit d'impôt pour les investissements dans les énergies renouvelables, l'abandon du projet de centrale nucléaire à Penly et la suppression des freins à l'implantation d'éoliennes", détaille Stéphen Kerckhove. Des compétences qui reviennent en partie à Eric Besson, nouveau ministre délégué à l'énergie. "On attend donc qu'elle vainque les forces hostiles qui entourent son ministère", conclut Serge Orru, directeur général de WWF.

Audrey Garric

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