lundi 3 septembre 2012

Quelle politique de gauche sans croissance ?

Editorial Le Monde 1/9/12

François Hollande pouvait espérer avoir fait le plus dur durant sa campagne électorale du printemps. Contrairement à ses prédécesseurs, il a été élu sans promettre la lune en matière économique, sans céder à l'exubérance budgétaire de Mitterrand en 1981, aux promesses fallacieuses de Chirac en 1995 ou au " choc de croissance " que Sarkozy se faisait fort de provoquer en 2007 - et qui ne vint jamais.

Au risque de ne pas faire rêver les Français, le président de la République a fait de l'assainissement des comptes publics, de l'effacement du déficit en cinq ans et de la réduction d'une dette mortifère le socle de sa politique. Pour résumer, les disciplines fiscalement douloureuses d'abord (à l'exception de la priorité à l'éducation nationale), le " grain à moudre " ensuite.

Trois mois plus tard, il est clair que le plus dur n'est pas derrière lui, mais devant. Tant la situation économique du pays - et de l'Europe - est plus dégradée qu'on ne l'imaginait au début de l'année.

La perspective de croissance retenue par M. Hollande dans son programme était de 0,5 % pour 2012 et 1,7 % (ensuite ramené à 1,2 %) pour 2013. On en est loin, hélas ! Si la France échappe encore à la récession, elle est plongée dans la stagnation. Déjà l'on ne table plus guère que sur 0,3 % cette année, avec les rudes conséquences constatées sur l'envolée du chômage. Si cette tendance se prolonge l'an prochain, ce sont donc tous les paramètres de la politique économique qui seront caducs : 1 point de croissance en moins, ce sont 10 milliards d'euros de prélèvements ou de réductions de dépenses supplémentaires qu'il faudra trouver, en plus des 33 milliards déjà chiffrés par la Cour des comptes.

Le débat est donc crucial. Soit le gouvernement maintient, à peu de chose près, sa prévision de 1,2 % de croissance comme base de son projet de budget, en cours d'arbitrage. Et il risque d'être, sous peu, démenti par les faits, accusé de n'être ni sérieux ni sincère, et contraint de corriger le tir rapidement. Soit il estime et assume qu'il y a urgence et qu'il lui faut s'en tenir au consensus actuel des économistes (de l'ordre de 0,6 %). Mais cela impose encore davantage d'efforts que prévu. Et de choisir lesquels.

En multipliant les bonnes paroles - devant les patrons du Medef ces derniers jours et devant ceux des PME ce 31 août encore -, le chef de l'Etat et le gouvernement ont voulu démontrer que l'entreprise n'est pas " l'ennemie ", au contraire. Et que l'amélioration de la compétitivité française est un enjeu décisif pour l'avenir. Mais s'engager plus avant dans cette voie reviendrait à remettre en cause le délicat équilibre des efforts fiscaux annoncés au printemps par M. Hollande.

Entre le choc de compétitivité réclamé par les uns, le choc fiscal redouté par tous, les chocs européens qui menacent si l'Espagne ou l'Italie continuent à plonger dans la récession, et le choc de défiance déjà perceptible dans l'opinion, François Hollande va devoir arbitrer et trancher. Il l'avait fait avec sérieux au printemps. Il doit le faire avec courage à l'automne.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire