mardi 30 septembre 2014

Adevia : la gabegie d'argent public continue (2)


La SEM est aujourd'hui "sur le chemin du redressement" : tel est le pare-feu imaginé par les élus des collectivités concernées (notamment CAHC et CALL) pour relativiser le dernier rapport de la CRC. Le constat de cette dernière datant du 3 décembre 2013 est pourtant sans appel. Essaye-t-on de nous faire croire que, en 9 mois, la situation serait en voie d'amélioration ? C'était déjà ce qui avait été dit par les mêmes collectivités après les 2 rapports précédents... Certes un énième plan a été mis en oeuvre, mais sera-t-il à même de "réparer" les manquements précédents ?
La situation est pourtant très grave. Qu'on en juge, sur le plan financier, par ces quelques remarques de la CRC :

 - "L'augmentation des charges de personnel (2008-2012) ne s’est pas accompagnée d’une croissance suffisante de la valeur ajoutée, qui, si elle a connu une progression certaine, n’a pas atteint des niveaux susceptibles d’absorber ce surcroît de charges". Rappelons que les effectifs du personnel ont, de ce fait, été diminués de moitié.

- "L’indépendance financière d’Adévia est nulle et ne repose que sur la confiance que lui accordent les tiers, que sont principalement ses banquiers et ses fournisseurs". D'où la recapitalisation demandée (et partiellement obtenue) auprès des collectivités principalement.

- "Les chiffres d’exploitation montrent des résultats en forte baisse d’un bénéfice de 476 K€  en 2010 à une perte de 3 871 K€ en 2012. Ces résultats s’expliquent par l’effondrement des produits d’exploitation qui ont pratiquement diminué de moitié tandis que les charges ne diminuaient que de 16%. Surtout les rémunérations liées aux mandats ont fortement décru en 2012. Elles étaient sur les exercices précédents essentiellement liées aux projets du Louvre-Lens et du tramway. Aucun projet n’est venu compenser cette perte de ressources." Même chose pour les contrats de promotion immobilière (CPI) notamment liés aux constructions d’EHPAD, ainsi que pour les concessions d’aménagement.

- "Entre 2008 et 2012 : les recettes attendues sont purement et simplement comparées aux dépenses prévisionnelles sans indication de modalités de financement, alors même que des frais financiers sont mentionnés." Pire encore, 11 opérations (dites "propres") sur 126 n'ont pas été financées par emprunt, mais sur la trésorerie.

- "Le compte de résultat prévisionnel 2013 fait apparaître une perte nette de -3M€ contre -3,5 M€ en 2012. Ces résultats auront un impact très important sur les capitaux propres de la société. En effet, s’élevant à 4,1 M€ à la clôture de l’exercice 2012, les capitaux propres n’atteindraient plus que 1,1 M€ (du fait de l’affectation en report à nouveau de la perte de 3 M€). Avec des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social, la société serait sous-capitalisée au regard du seuil défini par l’article L. 225-248 du code de commerce". D'où la recapitalisation partiellement effectuée (moins de 80%).

- La CRC reproche à Adévia sa gestion des provisions qui peuvent influencer les résultats et notamment minorer les pertes. Ainsi en est-il de "ces provisions qui révèlent des lacunes, notamment de contrôle interne ou celles qui témoignent d’une difficulté de la société à défendre ses intérêts. L’existence d’écritures de reprises sur provisions de nombreuses années après l’intervention d’actes (résiliation, transaction, quitus) qui auraient justifié la passation de pertes définitives témoigne d’un suivi imparfait des comptes. Les pertes définitives constatées entre 2010 et 2012 sur ces provisions attestent de dysfonctionnements administratifs et comptables : impossibilité de justifier des dépenses de la société au cours d’un mandat, clôture des opérations postérieure de près de dix ans à leur nachèvement, justifiant une « remise gracieuse » du déficit aux collectivités concernées voire l’abandon pur et simple de créances sur les collectivités". 

C'est donc sur l'espoir que tous ces dysfonctionnements, constatés encore il y a moins d'un an, auront disparu, que les collectivités actionnaires basent leur discours de soutien à Adévia. On peut comprendre; mais n'empêche que les contribuables ont de quoi s'inquiéter sur l'avenir d'Adévia, cette société constituée par des collectivités publiques pour gérer l'aménagement du territoire... Le moins que l'on puisse dire c'est que tout cela est mal engagé, d'autant plus que les investissements publics ont tendance à diminuer fortement. Adévia s'était constituée, avec un JP Kucheida à la manœuvre, à partir d'Artois développement, et par regroupement d'autres sociétés (Sepac, Saemic notamment) dans des conditions toujours pas éclaircies...

Il faut que le Préfet saisisse la justice pour que cette dernière examine ce qui s'est passé lors de la constitution d'Adévia et, au cours de ces dernières années, lors de la gestion calamiteuse de fonds publics. Les citoyens-contribuables doivent savoir et les responsables doivent être sanctionnés.
Je rappelle que j'avais intitulé une série de posts de début février 2011 : "Adevia: le début d'un énorme scandale politico-financier"

A suivre

lundi 29 septembre 2014

Adevia : la gabegie d'argent public continue (1)


Lors de sa séance du 20 août 2013, la chambre a formulé les observations provisoires, qui portent sur les suites données aux rapports d’observations notifiés en 2010 et en 2011. L’examen de la gestion a été limité à 4 thèmes : 
1- la situation financière et la fiabilité des comptes 
2- la gouvernance de la société 
3- le contrôle interne 
4- des opérations spécifiques : les prises de participation dans des sociétés commerciales, l’opération propre du secteur Beaumont, le mandat de réalisation du tramway confié par le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle. 
Ces observations provisoires ont été adressées le 3 septembre 2013, au directeur général d’Adévia (devenue Territoires 62 depuis le 1er janvier 2014) et aux précédents mandataires sociaux, pour la partie du rapport concernant leur gestion. 

La réponse de M. Delille, actuel directeur général, est parvenue à la chambre le 29 octobre 2013. Après l’avoir examinée, la chambre a, lors de sa séance du 20 décembre 2013, arrêté les observations définitives  que je vais essayer de résumer en partant de la synthèse effectuée par la CRC.

Auparavant, je tiens à préciser que je suis en complet désaccord avec l'article de La Voix du Nord, qui, suite à la présentation du rapport devant l'Agglo Lens-Liévin, mercredi dernier a écrit que "ce rapport fait état d'une meilleure prise en compte des recommandations depuis 2013 et notamment depuis la nomination de Jean-Jacques Delille à la direction générale." Soit le journaliste n'a pas lu le rapport (ou l'a lu en diagonales), soit il s'est laissé endormir par la présentation qui en a été faite par les instances de l'Agglo". Vous pourrez en juger soit par vous même (http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Societe-d-economie-mixte-Adevia-Departement-du-Pas-de-Calais), soit en prenant connaissance de ce qui suit


Adévia est la principale société d’économie mixte d’aménagement du Pas-de-Calais avec un chiffre d’affaires d’environ 50 M€ par an, un portefeuille d’activités de 120 opérations en cours, dont une centaine de concessions d’aménagement et des chantiers emblématiques, tels que le musée du Louvre-Lens. Ses principaux actionnaires publics sont le département du Pas-de-Calais et les trois communautés d’agglomération de Lens-Liévin, d’Hénin-Carvin et de l’Artois. 
Suite aux deux rapports précédents de la chambre, portant sur les exercices 2002 à 2007, cette dernière a examiné les suites que la société a réservées aux observations et aux recommandations formulées par la chambre notamment sur la situation financière, la fiabilité des comptes, la gouvernance, le contrôle interne et des opérations spécifiques majeures telles que la prise de participation dans Axévie, la liquidation de la Centrale Foncière Régionale et le secteur Beaumont, ainsi que le mandat de réalisation du tramway Artois-Gohelle.

1- S’agissant de sa situation financière, les points de fragilité observés dans le rapport de 2010 ont été largement confirmés par la dégradation brutale et profonde de la trésorerie au second semestre 2012, qui a conduit à l’engagement d’une procédure d’alerte le 5 octobre 2012. De fortes incertitudes pèsent encore sur la viabilité de l’entreprise, qui a dû recourir à un plan social prévoyant la suppression de la moitié de ses effectifs. 
L’insuffisance manifeste des fonds propres, avec un capital limité à 5,8 M€ pour un total du bilan égal à 265 M€, le succès variable des opérations d’aménagement, dont le défaut de commercialisation entraîne de lourdes charges financières et l’augmentation des créances à l’égard des collectivités concédantes ont entraîné un recours massif à des financements externes (autorisations de découvert, emprunts bancaires, mais aussi des avances de trésorerie durables, sans justification évidente de trois collectivités concédantes pour environ 30 M€). Environ 40% de cet endettement est lié à l’engagement précipité d’Adévia dans la construction d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans l’attente du transfert des emprunts à la société Axevie, créée spécifiquement en 2010. 
Ces difficultés de financement ayant atteint un seuil inquiétant pour les établissements bancaires concernés, la plupart actionnaires, la perspective de nouveaux financements a été conditionnée par ceux-ci à une recapitalisation, prévue à hauteur de 25 M€ et s’élevant en définitive à 19,4 M€, largement inférieure aux besoins. Les actionnaires ont donc apporté les montants suivants (en millions d'euros) 
Lens-Liévin 5,0 
Communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin  4,0 
Communauté d'agglomération de l'Artois 2,2
Département du Pas-de-Calais 2,5 
Région Nord-Pas-de-Calais 1,0 Communauté urbaine d'Arras 1,0 
Communauté d'agglomération du Calaisis 0,8    
Total 16,5 (plus 2,9 de partenaires privés).

Le compte de résultat prévisionnel de 2013 fait apparaître une perte nette de -3M€ contre -3,5 M€ en 2012. Ces résultats auront un impact très important sur les capitaux propres de la société. En effet, s’élevant à 4,1 M€ à la clôture de l’exercice 2012, les capitaux propres n’atteindraient plus que 1,1 M€ (du fait de l’affectation en report à nouveau de la perte de 3 M€). Avec des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social,  la société seraient sous-capitalisée au regard du seuil défini par l’article L. 225-248 du code de commerce.


J'ai consacré beaucoup d'articles sur le sujet, en particulier les 2 et 3février 2011. Mais voyez surtout mon "coup de gueule" du 3 avril 2012  http://alpernalain.blogspot.fr/2012/04/adevia-de-qui-se-moque-t-on.html   qui rappelle que l'on nous promet régulièrement un redressement de l'entreprise...et que c'est bien le contribuable qui "casque" pour cette mauvaise gestion. Et évidemment, je ne parle pas du clientélisme et du favoritisme induit par cette société d'économie mixte dont les actionnaires sont des collectivités publiques... Voir dans l'article précité comment le président d'Adévia, Michel Dagbert (devenu aujourd'hui Président du Conseil général du Pas-de-Calais), a favorisé son frère et comment son prédécesseur s'est augmenté grassement sans l'accord de son conseil d'administration !



A suivre


dimanche 28 septembre 2014

Sénatoriales, mode d'emploi (6/6) : la droite va-t-elle reprendre le Sénat ?

Le Monde.fr | 

1. Les municipales, le nerf de la guerre


La défaite historique des socialistes aux élections municipales de 2014 a largement compromis leur possibilité de rester majoritaires au Sénat. Pourquoi ?
Les grands électeurs qui élisent les sénateurs sont composés à 95 % de conseillers municipaux. Des conseillers municipaux qui seront plus à droite que jamais. L'aile gauche du Sénat doit donc parvenir à unifier les voix de « ses » grands électeurs, tout en comptant sur l'éparpillement des voix des grands électeurs de droite, qui risquent d'être divisées entre les soutiens de Jean-Pierre Raffarin, Gérard Larcher et Philippe Marini, tous trois candidats UMP à la présidence du Sénat.


Verts
13 844 861
Droite UMP
11 384 633
Gauche PS
1 760 339
FN et XTD
1 009 654
Gauche non PS
925 166
Centre
301 765
Verts









127
80
100
120
140
160
1980
’85
’90
’95
’00
’05
2010
Droite
Gauche
99
127


2. Les socialistes peuvent-ils espérer ?

C'est en tout cas ce que se permet le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui mise sur « l'avance de vingt sénateurs sur la partie qui n'est pas renouvelée » et sur les nouvelles circonscriptions bénéficiant de la proportionnelle, de quoi assurer « quatre à cinq sièges ».

Mais cet optimisme est loin d'être partagé. Le contexte politique national et les difficultés à nouer des alliances entre socialistes, radicaux, écologistes et communistes ont, pour de nombreux parlementaires de gauche, douché l'espoir de conserver une majorité.


Non-inscrits
5
CRC
65
PS
0
Écologistes
12
RDSE
13
UDI-UC
77
UMP
3
Non-inscrits

La grande incertitude quant à l'issue du scrutin tient aux votes des très nombreux grands électeurs « non alignés ». Combien, parmi eux, se laisseront convaincre par les candidats de gauche aux sénatoriales ? Là encore, le poids de certaines réformes – scolaire, territoriale – pourrait jouer en défaveur de l'actuelle majorité.


3. Le Front national en embuscade


Le parti d'extrême droite, bien décidé à tirer son épingle des divisions à gauche et à droite, présente des candidats dans toutes les circonscriptions concernées par le renouvellement. Et les candidats frontistes pourront bénéficier de l'afflux de conseillers municipaux FN, en particulier dans le Var, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, pour ravir un siège.
Stéphane Ravier, maire du 7e secteur de Marseille, fait campagne et compte ses voix, en espérant obtenir assez de soutien pour siéger au palais Bourbon.

David Rachline, maire de Fréjus, se prévaut, dans une interview à Var-Matin, du soutien de 200 grands électeurs, sur les 350 qui lui seraient nécessaires pour être élu. Mais en cas de victoire, M. Rachline refuse de laisser son mandat de maire. La question se posera quand la loi sur le cumul des mandats entrera en vigueur en 2017.

Sénatoriales, mode d'emploi (5/6): combien coûte le Sénat ?

Le Monde.fr | 

Par 

1. Le budget annuel du Sénat, équivalent au coût de 20 kilomètres de voies TGV ?

335 MILLIONS D'EUROS
C'est le budget annuel du Sénat pour sa mission institutionnelle ; 95 % de ce budget (316 millions d'euros) sont dédiés au fonctionnement quotidien du Sénat, donc essentiellement aux indemnités et aux frais des sénateurs et de leurs collaborateurs. Ce qui représente environ 920 000 euros par sénateur et par an. L'Assemblée nationale dépense un peu moins : 904 000 euros par an et par député (pour un budget de fonctionnement de 521 millions d'euros).

Ce chiffre n'inclut pas les 12 millions d'euros nécessaires à l'entretien du Jardin du Luxembourg, ni les 18,5 millions d'euros de budget de la chaîne Public Sénat.

AA : je pense que dans les 335 millions du budget du Sénat figurent les frais de personnel (nombreux sont les fonctionnaires) qui représentent une grande partie du budget (salaires élevés et retraites au statut particulier et avantageux).

2. Les revenus des sénateurs

11 425 €
C'est le montant net que touche, tous les mois, un sénateur. Ce revenu se décompose ainsi : 5 388 euros net en indemnités parlementaires et 6 037 euros net en indemnités représentatives de frais de mandat (IRFM). A titre de comparaison, un député perçoit 5 382,40 euros net d'indemnités parlementaires et une IRFM à peu près équivalente à celle des sénateurs (6 412 euros brut).

2 757 €
C'est le plafond des revenus (net) qu'un sénateur peut tirer de ses autres mandats électifs.

A ces revenus personnels s'ajoutent :
  • 7 548 euros brut pour l'embauche d'un à trois assistants (convertibles en dons au groupe politique du sénateur) ;
  • 1 330 euros à distribuer au groupe politique ;
  • Des avantages en nature : un accès gratuit à tout le réseau SNCF en première classe, 40 allers-retours en avion par an jusqu'à leur circonscription et le remboursement de trajets en taxi.

3. Un problème de coût ou de transparence ?


D'autres, plutôt que le coût du Sénat, préfèrent dénoncer son manque de transparence. Pourtant, chaque année, ses comptes sont examinés par la Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne (composée de dix sénateurs). Qui plus est, depuis 2013, le budget est certifié par la Cour des comptes, dont le président, Didier Migaud, s'est« réjoui de l'accueil [...] et de la collaboration » du Sénat.
Des députés avaient pourtant déploré que le Sénat tarde à publier le détail de sa réserve parlementaire de 53,9 millions d'euros. Finalement, ce fut chose faite le 20 septembre. Le Sénat, jusqu'ici, renvoyait la faute sur le ministère de l'économie.
Cette réserve parlementaire est une somme versée par l'Etat à chaque parlementaire, pour que celui-ci finance des projets dans sa circonscription. Chaque groupe parlementaire reçoit ainsi 130 000 à 150 000 euros par sénateur. L'Assemblée nationale dispose aussi de sa réserve parlementaire qui, en 2013, représentait plus de 80 millions d'euros. Le détail de son utilisation a été publié en janvier 2014.
La bonne volonté affichée des sénateurs n'a pas non plus empêché le site Mediapart de révéler, le 15 septembre, l'existence d'une enquête sur de possibles « détournements de fonds publics », « abus de confiance » et actes de « blanchiment » au sein du groupe UMP, au profit de sénateurs comme Jean-Claude Gaudin, Gérard Longuet ou Hubert Falco.

Sénatoriales, mode d'emploi (4/6) : à quoi sert le Sénat ?


Le Monde.fr | Par 
C'était il y a neuf mois à peine. Le bureau du Sénat refusait de lever l'immunité parlementaire de Serge Dassault, sénateur de l'Essonne, visé par une enquête sur de supposés achats de votes à Corbeil-Essonnes, une ville dont il a été maire. Une occasion pour certains de réclamer la suppression du Sénat, comme le firent, par exemple, le député socialiste Alexis Bachelay ou Marine Le Pen.
Régulièrement, des voix s'élèvent dans la classe politique en faveur de la suppression pure et simple de la Haute Assemblée, accusée d'immobilisme, d'inutilité voire d'archaïsmes.
Que fait le Sénat ? Où se place-t-il dans l'équilibre politique de la VeRépublique ? Quel rôle joue-t-il dans la production de la loi ? Quels intérêts défend-il ?

1. Ce que dit la Constitution : un Sénat pour représenter les territoires


La Constitution indique que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Les modalités d'élection des sénateurs, via un système de grands électeurs, entraînent de facto une sur-représentation des petites communes. Par exemple, cent communes de cent habitants (soit 10 000 habitants) fournissent cent grands électeurs (un délégué désigné par commune de moins de 500 habitants), alors qu'une commune de 10 000 habitants fournit seulement 33 grands électeurs.
Dans les communes de 30 000 habitants ou plus, un délégué supplémentaire est désigné par tranche de 800 habitants (en plus des 39 déjà accordés). Avant la loi de 2013, cette tranche était de 1 000 habitants. Cette réforme permet donc une meilleure représentation des grands centres urbains parmi les grands électeurs, mais ne suffit pas à compenser la sous-représentation de ces grandes villes. 

117
80
100
120
140
160
1980
’85
’90
’95
’00
’05
2010
Droite
Gauche
106
117
1983

2. Tempérer les ardeurs de l'Assemblée nationale

Si le Sénat représente la France rurale, son but revient surtout à modérer l'Assemblée nationale. Sur le site institutionnel du Sénat, figure cette explication du bicamérisme (le nom du système institutionnel à deux chambres) : « Si les chambres hautes contemporaines ne sont pas par nature des chambres socialement et politiquement conservatrices, conçues pour tempérer les excès supposés de la chambre basse « populaire » [...] il n'en reste pas moins que, du fait même qu'elles introduisent un regard différent sur les textes, les secondes chambres contemporaines retrouvent de manière actualisée une fonction de modération qui leur est traditionnellement dévolue. »
Depuis son institution, la chambre haute du Parlement français a ainsi eu pour rôle de tempérer les « ardeurs » de la chambre basse. La France ne s'est d'ailleurs jamais passée de cette chambre haute, sauf sous la IIeRépublique (1848-1851).
Pour arriver à cette fin, les modalités d'élection ou de nomination des sénateurs ont évolué au fil des régimes, mais le peuple a toujours eu un pouvoir plus limité sur la composition du Sénat ou ses équivalents. Sous la Ve République les sénateurs sont élus par les grands électeurs alors que les députés sont élus au suffrage universel direct. En « contrepartie », c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
La navette parlementaire classique exige que l'Assemblée nationale et le Sénat votent le texte dans les mêmes termes. En cas de désaccord, le gouvernement peut contourner le Sénat.
En théorie, les deux chambres doivent donc se mettre d'accord et voter les textes dans les mêmes termes. Mais, quand le désaccord persiste, même après la réunion d'une commission mixte paritaire, c'est le Sénat qui peut être contourné : c'est le « dernier mot de l'Assemblée nationale ».
Pourtant, cette procédure, censée être « l'exception », selon le Sénat, a été utilisée pour un texte sur cinq pour la session parlementaire 2013-2014. En moyenne, pendant la Ve République, le dernier mot de l'Assemblée a été utilisé pour un texte sur neuf.

2014
50
Dernier mot de l'Assemblée nationale
100
1959
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014


3. Le Sénat a aussi initié quelques lois


Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, peut aussi être à l'initiative de la loi ou proposer des dispositions supplémentaires dans les textes qui viennent de projets de loi gouvernementaux ou de propositions de loi de l'Assemblée. Quelques exemples :